lundi 20 octobre 2014

La vie est un long canal tranquille (ou: 400 km et 156 écluses au moteur)


Démâtage à Bordeaux sur le ponton visiteur, au bord de la Garonne et au cœur de la ville. On découvre a zone portuaire et la base sous-marine, vestige de l'occupation allemande. On a un peu l'air d'extraterrestres dans nos vestes de quart et pantalons de ciré, en pleine ville parmi les gens bien habillés.
Devant le pont Chaban Delmas à Bordeaux


La suite du voyage se déroule donc au moteur, le mat à l'horizontale, posé sur le balcon avant et un support en X fixé à l'arrière du bateau. (La construction du support en X a donné lieu a un petit jeu de piste dans Bordeaux à la recherche des matières premières…). Pour arriver à Sète, nous monterons d'abord le canal latéral de la Garonne jusqu'à Toulouse, puis nous descendrons le canal du midi jusqu'à l'étang de Thau qui débouche sur Sète.

La Gironde, son eau marron et ses petites cabanes de pêcheurs

A Castets en Dorthes, l'éclusier nous accompagne pour passer nos trois premières écluses. La première est impressionnante, car la différence de hauteur d'eau entre l'amont et l'aval de l'écluse est très grande. Dans le sas de l'écluse, Cartahu se sent tout petit entre les deux parois verticales immenses et face à la grosse porte en fer à deux battants d'où se déverse l'eau. Le niveau monte, et bientôt, Cartahu finit par reparaître à la surface du sol. La porte s'ouvre complètement, Cartahu avance : ça y est, la première écluse est passée.

La plupart des écluses que nous rencontrons par la suite sur le canal latéral à la Garonne sont automatiques : leur passage se fait sans la présence d'un éclusier. Il faut actionner une perche en amont de l'écluse, attendre la fin de la préparation de l'écluse (mise à niveau des hauteurs d'eau en amont de l'écluse et dans son sas), pénétrer dans le sas et amarrer l'avant et l'arrière du bateau, actionner une deuxième commande qui égalise les niveaux d'eau dans le sas et en aval de l'écluse, ajuster la longueur des amarres au niveau d'eau dans le sas, puis sortir de l'écluse une fois les deux niveaux égalisés et la deuxième porte ouverte.

Le canal est paisible, le passage des écluses constitue l'attraction des promeneurs, qui sont tous très avenants (On n'a pas intérêt à rater nos passages d'écluses devant notre public ;-) ), nous croisons très peu de monde sur l'eau. Nous essayons d'adapter la trajectoire de Cartahu de manière à éviter les paquets de feuilles mortes qui risquent d'obstruer l'arrivée d'eau de refroidissement de Gonzales (il nous a fait une frayeur : il s'est mis à fumer ! On a cru à sa fin et sorti les pagayes, mais il a fini par se remettre d'aplomb. Depuis, on le tient à l’œil…). La nuit, cinéma en plein air avec au programme la voie lactée sur écran géant entre les platanes qui bordent le canal. Pas un seul nuage pour assombrir le tableau. Petites balades autour du canal pour trouver de l'essence pour Gonzales et des produits du terroir pour nous. Nous avons ainsi fait la rencontre de Monsieur Philippot, vigneron biodynamique généreux qui nous a fait découvrir ses bottes secrètes (miam le Mariana Tum), et offert un bon rosé pétillant et une confiture de vin alors que nous ne venions qu'acheter une bouteille de rouge (le rosé était très bon :-D).
Le matin, dans la brume

Le Cartahu des bois est arrivé!




Cette fois, on s'casse  !!! (pour de bon)


Lundi 13 octobre, après une nuit de 12h pour récupérer la folle cavalcade de Cartahu parmi les vagues de la veille, nous optons pour une navigation moins ambitieuse : cap sur Saint Denis d'Oléron, à 10 MN de La Rochelle. La navigation se passe sans encombre et on regrette même qu'il n'y ait pas plus de vent (grosse pétole avec courant à contre, 4h30 pour faire 10 MN…)

Mardi 14 octobre : nous quittons Oléron pour gagner la Gironde, cette fois-ci sera la bonne, nous accostons à Port Medoc le soir même après 13h de navigation dont 4h30 de moteur (pétole quand tu nous scotches, pas d'autre choix que d'allumer la brise Yamaha 6 CV que nous avons prénommée Gonzales). Sur notre route : quelques méduses obèses que nous assommons malencontreusement avec notre dérive avant qu'elle ne soit hachées menu par Gonzales (désolés on n'a pas fait exprès!) ; deux touches sur la ligne de traîne : un maquereau qui ne voulait pas monter à bord et une orphie que nous avons libérée car elle était trop belle et surtout trop petite (ce n'est pas aujourd'hui que nous mangerons des sushis directement sortis des eaux par nos soins) ; un arc-en ciel intégral encadrant la Gironde avec un coucher de soleil flamboyant se reflétant sur les villes de la côte.

Faux départ… ou test du bateau (ou : on s'est pris une grosse branlée)


Dimanche 12 octobre, 4h du matin, Gnou et Vlou émergent difficilement de leurs sacs de couchage à La Rochelle avec la ferme intention de rallier l'estuaire de la Gironde le soir même. Les conditions climatiques, consultées la veille, semblent suffisamment correctes pour larguer les amarres. C'est donc à 5h, après un dernier coucou à Mathilde notre super voisine de ponton, que Cartahu fait ses adieux à la Rochelle. Ses adieux ? C'est sans compter le BMS (bulletin météo spécial → pour les novices, ca veut dire que ca va bastonner) qui est annoncé dès 7h du matin alors que nous virons Oléron. Les téméraires matelots que nous sommes décidons de tenter quand même le passage de l'estuaire, en gardant à l'esprit des solutions de repli. Mais le vent forcit, et c'est après 7h de navigation que nous décidons sagement de faire machine arrière. Machine arrière qui nous ramène… à La Rochelle, les autres solutions solutions de repli s'étant avérées inexploitables. Nous avons donc réalisé le périple La Rochelle – La Rochelle en 13h de navigation « confortable » (dont 6h avec un vent établi de 30 nœuds et des pointes à 50 nœuds, soit environ 80 km/h).
L' occasion de saluer une dernière fois les voisins de pontons et amis Rochelais. (c'est vrai qu'on s'était barré comme des voleurs à 4h du matin… ça nous apprendra!)